Miser freezer 2017 (par Patatrac)

virevolte      (02/10/2017 - 19:06:52)     
Ah ben là, forcément c'est graphique ! ;)

Victorserge      (05/10/2017 - 23:43:36)     
Le français erra par les ruines... La panique montait. Il but une soupe de fécule de pommes de terre. Il avait faim... Entrer quelque part, prendre quelque chose de vendable au marché des rapines serait plus facile et surtout plus tentant. Peine de mort, évidemment, mais elle est plantée devant vous, tous les cent mètres, la todesstrafe, sous forme d'écriteaux ridicules, de trous perfides dans la chaussée, de murs branlants, de fils électriques coupés, d'uniformes variés, de délateurs sans uniforme... Mieux vaut n'etre pas entièrement innocent, on a la satisfaction d'etre moins dupe en cas d'accroc.
A la fin de l'après midi, Alain avisa, dans un quartier salement ébréché, une proue de maison aux volets clos...Nulle imagination, fut elle détraquée ou alcoolisée à fond, ne pourrait concevoir les effets d'architecture fantastique que recèle à foison une ville pilonnée. Les gamins qui grandissent là dedans créeront peut etre, en laissant murir en eux ces visions, un art nouveau qui ne sera ni réaliste, ni surréaliste, car la destruction engendre une réalité particulière élémentairement proche de l'irréel. Le faux-réel de la civilisation est ramené aux premiers principes de la mort violente, de la dissolution des etres et des oeuvres, et de la persistance angoissée d'une vitalité sans justification... La peinture des petits cauchemars psychologiques paraitrait ici tout à fait ridicule.
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Alain enjamba des sacs, des matelas, des bouteilles cassées...
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Il gagnait! Des bouteilles insuffisamment cachées par des livres montraient leur goulot cacheté sous le divan. Formidable, éblouissant, incroyable! Etre fusillé aprés une cuite, ce serait tout de même une digne fin. Alain fit sauter un bouchon et but avidement du vin de Moselle, un délicieux petit vin muri au soleil doux de la paix, qui éclaircissait la jugeotte, , ressuscitait l'optimisme, redonnait à l'étoile gardienne un brillant inouï... Il en but sans doute trop...
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Il ouvrait un gand livre cartonné. Les figures de femmes aux longs cous, aux yeux candides, entourés de feuilles et de fleurs, les figures botticelliennes s'approchaient de lui. Regarde, Tilde, quel coup de crayon ! Une vigueur amoureuse dans chaque trait, une lucidité élevée au plus haut degré de la pureté. La vision réelle, idéalement supérieure à la réalité, ...
Le Boticelli, un nom beau comme un vers. Sa puissance n'est pas d'exprimer le rève, mais de réussir la synthèse d'un rève d'age d'or et d'une réalité épurée: il rencontre de la sorte la merveille du vrai... Le visage matériel ramasse, en se conquérant sur l'espace, les meurtrissures, les déformations, les tares, les brouillures de l'argile-chair et toutes les expressions misérables qui s'y collent.... Sandro lui refait un ovale d'adolescence selon l'éternité, une jeunesse sans remords ni étouffement, des yeux légèrement agrandis pour le juste effet visuel, puisqu'il connait, Sandro, l'infirmité de nos yeux qu'il guérit... Les yeux des figures botticelliennes ont un apaisement pareil au charme des fleurs. Les femmes élancées font penser à de jeunes arbres en pleine croissance dans des sites caressés de vent et de soleil. Pas de truc chez lui. Il dessine un oeil selon les règles, bien mieux qu'on ne le voit, il vous le tire de la chair et de l'abstrait, géomètre-magicien, Sandro !
Etc, etc, etc...

Victor Serge; Les années sans pardon

Zamoy      (08/10/2017 - 10:17:06)     
Joli graph !